Quelle « proxy » pour vérifier le lien entre éducation et croissance ?


Le 1er mai 2012, Greg Mankiw a publié sur son blog « la corrélation du jour ». Il s’agit d’un graphique représentant la corrélation entre le taux de croissance annuel du PIB et les résultats aux tests scolaires internationaux de mathématiques (panel de pays de l’OCDE, 1960-2000). Le voici :

Les données de ce graphique sont issues d’un rapport publié en 2010 par le programme de l’OCDE « PISA » (Programme for International Student Assessment). Pour ceux qui sont intéressés, ce rapport s’intitule « The High Cost of Low Educational Performance – The Long-Run Economic Impact of Improving PISA Outcomes » (téléchargeable ici au format pdf).
NB : PISA est une étude internationale, qui a débuté en 2000 et qui vise à évaluer les systèmes éducatifs à travers le monde en testant les compétences et les connaissances des élèves de 15 ans.

Présentation du rapport en vidéo :

Les vidéos Vodpod ne sont plus disponibles.

 

Le but de mon article n’est pas de commenter cette corrélation (à ne pas confondre avec causalité, selon la formule consacrée) ; mais ce graphique m’a justement rappelé un document de recherche assez intéressant sur le lien entre éducation et croissance. Ce travail, réalisé par Michael S. Delgado, Daniel J. Henderson et Christopher F. Parmeter, date de mai 2011 et s’intitule « Does Education Matter for Economic Growth? » (téléchargeable au format pdf).

Bien qu’il n’y ait guère de doute sur l’importance théorique du capital humain pour la croissance économique, les auteurs constatent l’absence d’un consensus sur la façon de mesurer et d’intégrer le capital humain dans les régressions de croissance. Il est vrai que la recherche empirique utilise généralement l’éducation comme variable proxy du capital humain, mais le signe et la significativité de cette variable dépendent beaucoup de l’échantillon choisi ainsi que de la spécification du modèle (un tableau en annexe présente les différences entre 14 études empiriques). Plusieurs études empiriques depuis le début des années 90 ont notamment contesté le rôle positif de l’éducation dans la croissance, si bien que l’évidence de cette relation est devenue moins claire (cf. le bon rappel historique proposé par Jean Luc de Meulemeester et Claude Diebolt : « Education et croissance : quel lien, pour quelle politique ? », 2007, téléchargeable au format pdf).

Le but de l’article de Delgado, Henderson et Parmenter est alors de concilier les preuves empiriques et de valider (ou d’infirmer), d’un point de vue économétrique, l’inclusion de l’éducation dans les régressions de croissance internationale. En particulier, les auteurs cherchent à déterminer si oui ou non le capital humain peut être représenté par la durée moyenne de scolarisation. En utilisant des méthodes s’affranchissant d’une mauvaise spécification du modèle (note pour les spécialistes : techniques non-paramétriques qui ont la capacité d’identification et de suppression des variables non-pertinentes, sur la base du travail de Hall, Li and Racine, 2007),  ils examinent alors six des bases de données d’éducation les plus complètes (Nehru et al. 1995, Barro et Lee 2001, De la Fuente et Doménech 2002, Cohen and Soto 2007, Lutz et al. 2007, Barro et Lee 2010) dans une tentative d’établir un lien empirique robuste entre la durée moyenne de scolarisation et la croissance économique. Les résultats de leur étude montrent que l’inclusion de cette variable dans les régressions de croissance n’est pas justifiée.

On peut en effet penser (ces auteurs ne sont pas les premiers à arriver à une telle conclusion) qu’utiliser le nombre d’années d’études comme mesure de l’éducation est un peu trop réducteur (les différences de qualité de l’éducation entre les pays ne sont notamment pas prises en compte). D’autres variables ne ne pourraient-elles pas être utilisées ? On en revient donc au point de départ de mon billet et à l’utilisation de résultats d’enquêtes sur les connaissances en mathématiques ou en sciences : Eric A. Hanushek (un des auteurs du rapport de l’OCDE évoqué en début d’article) et Dennis D. Kimko avaient ainsi montré dès 2000 que les pays dans lesquels les personnes ont le mieux répondu à ces tests de mathématiques et de science ont connu la croissance la plus forte sur la période 1960-2000 (cf. Hanushek, Eric A., Kimko, Dennis D. Schooling. Labor Force Quality, and the Growth of Nations. American Economic Review, décembre 2000, 90(5), p. 1184-1208. téléchargeable au format pdf). D’autres travaux plus récents peuvent être consultés sur la page personnelle du prof. Eric A. Hanushek à Stanford. Cet exemple montre qu’il existe donc d’autres variables « proxy » (encore faut-il disposer des données…) reflétant le niveau de compétences des populations qui peuvent être utilisées dans les régressions de croissance.

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